Houchang Nahavandi, Yves Bomati, 
  Mohammad Réza Pahlavi, le dernier Shah, 1919–1980
  
  
  Peut-on prendre plaisir à lire une biographie de près de 600 pages sur un personnage connu   en réalité d’une manière superficielle, originaire d’un pays lointain dont on ignore presque   tout de l’histoire ?
  
  
  A priori non. Et pourtant, la lecture de la biographie de Mohammad Réza Pahlavi, qui entre   dans la catégorie susnommée, procure un plaisir intellectuel rare. Ecrite par deux grands   spécialistes de l’Iran (dont l’un a été un acteur des évènements de 1978–1978), elle est un   véritable monument.
  Certes, n’étant pas un grand connaisseur de l’histoire iranienne, je me garderai bien de   porter un regard critique sur le fond et la pertinence des évènements relatés, des analyses   sur tel ou tel personnage dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Certes, on peut   parfois se perdre dans les noms quelque peu complexes, des individus, des régions, dont les   auteurs parlent.
  
  
  Mais cela, je pense, n’enlève rien aux qualités évidentes de cet ouvrage. Il est écrit dans un   style très clair, brosse des portraits passionnants et ne cède jamais à l’hagiographie. Les   auteurs ne sont pas des défenseurs acharnés du Shah. Ils pointent ses défauts, ses   manques, sa vanité, son aveuglement qui se révèlera dramatique. Cela leur permet de bien   expliquer les ressorts de la catastrophe de 1979.
  A ce propos, on retiendra le rôle néfaste de l’administration Carter dans ce terrible   processus. En abandonnant le Shah, ce président a ouvert la voie à la prise du pouvoir des   mollahs. Cela, on le sait. Mais l’abandon et surtout l’acharnement mis à chasser Réza   Pahlavi du pouvoir, puis à le poursuivre y compris dans l’exil et la maladie sont pathétiques.   Carter n’en sort pas grandi, pas plus que Giscard et la clique des intellectuels français qui   chantaient les louanges de Khomeiny (leurs héritiers applaudiront quarante ans plus tard les   révolutions arabes aux lendemains qui chantent…). Il faut en fait se méfier : quand on   chasse les rois, on ne sait jamais qui les remplace…
  
  
  Ce livre nous dévoile des décennies d’histoire de l’Iran, de son peuple et de ses dirigeants.   Les luttes de pouvoir y sont implacables, le désir d’indépendance acharné. On se rend   compte à quel point ce pays a joué un rôle important dans les relations internationales   depuis le XIXe siècle. On découvre la profondeur des réformes entreprises par le Shah   pour le moderniser, en faire un pays moderne et puissant ; dessein qui l’aveuglera.
  Les auteurs nous décrivent un homme qui a soif d’action. Il veut régner et gouverner.   Grand amateur de femmes, marié à trois reprises, il est un homme cultivé qui connaît bien   l’Occident pour y avoir passé sa jeunesse (on retient le rôle majeur joué par son père dans   sa formation de futur souverain). Il connaît une fin pathétique qui ne fait honneur à   personne, si ce n’est au président Sadate.  Un destin incroyable, un grand règne et un   excellent livre.
  
  
  Frédéric Le Moal
  
  
  Houchang Nahavandi, Yves Bomati, 
  Mohammad Réza Pahlavi, le dernier Shah / 1919–1980, 
  Editions Perrin, janvier 2013, 617 pages  
  
  
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