[./event.html]
[./auteurs.html]
[./extraits.html]
[./presse.html]
[./radio.html]
[./tv.html]
[./internet.html]
[./contact.html]
[./index.html]
[./gazette.html]
[./reconquete.html]
[./valeurs-actuelles.html]
[./af.html]
[./af.html]
[./figaro-litt.html]
[./bulletin_quotidien.html]
[./canard_ench.html]
[./fig-mag.html]
[./innovation-democratique.html]
[./dynastie.html]
[./populaire.html]
[./montagne.html]
[./alsace.html]
[./affiches-normandie.html]
[./jeux-extra.html]
[Web Creator] [LMSOFT]
PRESSE
❑ UN LIVRE MAGISTRAL

Le dernier shah d'Iran

Houchang Nahavandi et Yves Bomati brossent un portrait du shah d'Iran, élogieux certes, mais néanmoins nuancé, où ils soulignent combien celui-ci s'identifiait à son pays, toujours au cœur de l'actualité.

Notre ami et collaborateur Houchang Nahavandi et l'observateur politique français Yves Bomati, que l'on trouve une fois de plus avec plaisir réunis dans une œuvre commune, viennent de publier un ouvrage substantiel, mais jamais lassant, intitulé Mohammad Réza Pahlavi, le dernier shah (1919-1980). Nous croyons devoir prendre « dernier » dans le sens de « récent », car qui peut dire qu'il aura été le dernier dans l'Histoire ?

De Gaulle en exemple
Tout au long de ce livre, les auteurs montrent avec talent combien Mohammad Réza Pahlavi, shah-in-shah, soleil des Aryens, s'identifiait à son pays dont il était fier de rappeler qu'il avait deux mille cinq cents ans d'histoire et dont il célébra de façon grandiose cet anniversaire en 1971, en compagnie de plusieurs puissants chefs d'État, dont plusieurs têtes couronnées, au cours des fêtes fabuleuses de Persépolis. Lisant ces fortes et belles pages sur ce grand événement, on ne peut imaginer un Iran sans son shah, pas plus qu'une France qui resterait encore longtemps sans sa dynastie capétienne avec laquelle elle fait corps. Mohammad Réza semble, d'après les auteurs, s'être donné pour modèle d'indépendance nationale Charles De Gaulle et cela le conduisit à commettre quelques erreurs. Que ne prit-il Louis XIV ou Louis XVIII ! Avec ceux-ci, nul risque de mégalomanie, nul danger « d'aimer l'Iran plus que les Iraniens » (c'est un reproche que devait lui faire un jour le roi du Maroc Hassan II), nul exemple d'un oubli d'associer son peuple à sa grande œuvre de relèvement de l'Iran... Il eût alors compris qu'un roi ne se grandit pas seulement de la taille de l'idée qu'il se fait de son pays, mais aussi de son inscription dans une lignée concrète d'hommes ayant servi d'âge en âge ce pays.
Nous nous garderons bien d'émettre des critiques sur la politique du shah ; les deux auteurs s'en chargent déjà assez eux-mêmes, car ce n'est ni un livre tout blanc, ni un livre tout noir. Il faut lire le récit de ces trente années pendant lesquelles le roi posa les bases d'une diplomatie innovante : « En accédant au trône en 1941 [à vingt deux ans], Mohammad Réza trouve un Iran pratiquement occupé par deux puissances aux visées impérialistes qui l'ont dépecé, humilié, amputé d'une partie de son territoire et ce, depuis le début du XIXe siècle. Certes son père avait endigué cette dégradation par une diplomatie audacieuse et une politique d'indépendance nationale. En deux décennies il avait ainsi tenté de faire entrer la France, l’Allemagne et même l'Italie sur la scène iranienne afin de contrebalancer les visées londonienne et moscovite. »
Protecteur du Golfe
Mais les Anglais et les Soviétiques avaient envahi l'Iran, occupé le pays et déposé le shah Réza Khan, père de Mohammad. Mohammad était donc en 1941 un shah dépouillé de pouvoir réel, mais conscient de son rôle symbolique. Il se savait sous surveillance étrangère ; il en avait pris son parti, attendant sans doute l'heure de la revanche. C'est justement cette revanche qu'au fil des pages, les auteurs observent dans ses réalisations spectaculaires, à partir de 1955 où le shah prit seul « les choses en mains ». L'excellence de ses relations avec Israël n'empêchait pas son soutien à la cause nationale palestinienne. Les méandres de sa politique à l'égard des pays arabes, son amitié pour le roi du Maroc Hassan II, pour le roi Hussein de Jordanie, pour le président d'Égypte Anouar el-Sadate et même pour le dictateur de l'Irak Saddam Hussein, firent qu'en 1975 l'Iran impérial n'avait plus aucun contentieux ouvert avec le monde arabe. Grâce à sa diplomatie et à son armée, le shah avait fait de l'Iran le véritable arbitre et protecteur de la région.
L'Occident suicidaire
Même avec l'Union soviétique, l'ambiance avait changé pour aboutir en 1970 à une politique de coopération qui devait gagner les autres pays de l'Est et même la Chine. Mais, disent alors les auteurs, « si la politique extérieure du shah et sa diplomatie sont des succès, elles finissent par braquer contre lui ses propres alliés et ne sont pas relayées pas une bonne politique intérieure ».
Comme disait à peu près Charles De Gaulle « l'intendance » n'avait qu'à suivre...
Ce faisant, la puissance répressive de la Savak s'accroissait, et le mécontentement montait de toutes parts. La situation tendait à l'incohérence : alors qu'on lançait des projets pharaoniques, l'électricité venait à manquer dans Téhéran, la capitale, et l'inflation sapait les fondements de l'équilibre social. La population restait soucieuse de participer à l'enrichissement national. Sûr que les Américains ne l'abandonneraient pas et que le monde non communiste ne pouvait se permettre de perdre l'Iran, Mohammad Réza avait le tort de croire à une rationalité de l'attitude de l'Occident. Et quand, peu après, un Américain marchand de cacahuètes nommé Jimmy Carter et un aristocrate français superficiel, Valéry Giscard d'Estaing, se déshonorèrent à jamais en aidant un ayatollah inculte, fanatique et méchant, nommé Rouhollah Khomeyni, à renverser le shah, à s'emparer du pouvoir et à faire retomber dans la misère un empire qui promettait de devenir la cinquième puissance économique du monde, on put mesurer les ravages qu'introduisent dans les esprits occidentaux le prêchi-prêcha des droits de l'homme et la peur de voir monter un nouveau prince troubler le jeu des grands de ce monde.
Ultime calvaire
Point du tout courtisans (Houchang Nahavandi fut président d'un groupe chargé de dire ses quatre vérités au shah), les auteurs nous font revivre dans les très émouvantes dernières pages le calvaire de Mohammad Réza déjà très malade, mais ne pouvant souffrir de ne plus se savoir aimé de son peuple – « Mais que leur ai-je donc fait ? » Comme jadis Louis XVI, il sentait peu à peu la situation lui échapper et, comme Charles X en 1830, il quitta, sans doute un peu trop précipitamment son pays, avant de devenir un empereur errant en quête d'une terre où trouver ses derniers amis, pour y mourir. L'Égypte d'Anouar el-Sadate s'honora en ayant le courage d'être celle là...
Ce livre sur un personnage fabuleux de la fin du XXe siècle - qui n'en compta guère ! - est passionnant à plus d'un titre. Même la vie sentimentale de Mohammad Réza est évoquée dans de belles pages sur ses trois épouses successives (la princesse Fawzeh d'Égypte, sœur du roi Farouk, Soraya, son grand amour, et Farah Diba, l'actuelle et courageuse shahbanou). C'est une bouffée d'air oriental venu du pays d'où vinrent les rois mages, qui nous dépayse un peu de l'actualité pesante de nos temps républicains. Ce livre montre qu'en Orient comme en Occident les rois - et c'est ce qui fait leur grandeur - doivent s'attendre à connaître, après la gloire, l'ingratitude des autres grands de ce monde et la cruelle indifférence de leurs peuples.

Michel Fromentoux

✓ Houchang Nahavandi et Yves Bomati,
Mohammad Réza Pahlavi, le dernier shah (1919-1980),
Perrin, 620 pages, 27 euros.
L'ACTION FRANÇAISE 2000
n° 2856 - Du 7 au 20 février 2013

Article de Michel Fromentoux
Houchang NAHAVANDI et Michel FROMENTOUX