Ultime calvaire
Point du tout courtisans (Houchang Nahavandi fut président d'un groupe chargé de dire ses quatre vérités au shah), les auteurs nous font revivre dans les très émouvantes dernières pages le calvaire de Mohammad Réza déjà très malade, mais ne pouvant souffrir de ne plus se savoir aimé de son peuple – « Mais que leur ai-je donc fait ? » Comme jadis Louis XVI, il sentait peu à peu la situation lui échapper et, comme Charles X en 1830, il quitta, sans doute un peu trop précipitamment son pays, avant de devenir un empereur errant en quête d'une terre où trouver ses derniers amis, pour y mourir. L'Égypte d'Anouar el-Sadate s'honora en ayant le courage d'être celle là...
Ce livre sur un personnage fabuleux de la fin du XXe siècle - qui n'en compta guère ! - est passionnant à plus d'un titre. Même la vie sentimentale de Mohammad Réza est évoquée dans de belles pages sur ses trois épouses successives (la princesse Fawzeh d'Égypte, sœur du roi Farouk, Soraya, son grand amour, et Farah Diba, l'actuelle et courageuse shahbanou). C'est une bouffée d'air oriental venu du pays d'où vinrent les rois mages, qui nous dépayse un peu de l'actualité pesante de nos temps républicains. Ce livre montre qu'en Orient comme en Occident les rois - et c'est ce qui fait leur grandeur - doivent s'attendre à connaître, après la gloire, l'ingratitude des autres grands de ce monde et la cruelle indifférence de leurs peuples.
Michel Fromentoux
✓ Houchang Nahavandi et Yves Bomati,
Mohammad Réza Pahlavi, le dernier shah (1919-1980),
Perrin, 620 pages, 27 euros.