Mohammad Reza Pahlavi
Le dernier shah 1919-1980
par Houchang Nahavandi et Yves Bomati
(Perrin)
La biographie de Reza Pahlavi qui vient de paraître chez Perrin a la force d'un témoignage, celui de Houchang Nahavandi, d'origine iranienne, témoin direct des événements de la fin du règne car il était recteur des universités de Shiraz et de Téhéran, et la précision d'une analyse des sources par Yves Bomati, spécialiste français des civilisations orientales.
Nahavandi et Bomati ne cèlent rien des intrigues de palais d'une cour orientale, des erreurs politiques d'un souverain malade, ni des horreurs de la Savak, chargée du renseignement et de la « sécurité », de la corruption de certains intermédiaires. Car leur objectif est d'expliquer comment Mohammad Reza Pahlavi, devenu roi en septembre 1941 d'un pays féodal sous la coupe des Soviétiques et des Britanniques, qui a réussi à moderniser l'Iran et à en faire une puissance internationale, a été renversé sans réagir.
Le constat est précis. Formé à la française, admirateur de Richelieu et de De Gaulle, aidé par ses conseillers francs-maçons, le Shah a opéré une transformation « à la hussarde » de l'Iran. Il a aboli les privilèges du clergé chiite, mis en place un code civil, établi l'égalité politique homme-femme, nationalisé le pétrole en 1973, redistribué aux paysans les terres des grands propriétaires féodaux, industrialisé le pays, favorisé l'urbanisme et développé les logements sociaux. Mais, parallèlement, en coupant les subventions secrètes aux mollahs, il s'est attiré la haine des religieux, qu'il qualifiait de « réactionnaires attardés ». En encourageant considérablement le prix de l'or noir pour financer sa « Révolution blanche », il s'est mis à dos les puissances occidentales. En stimulant l'essor économique, il a élevé le niveau de vie mais développé l'inflation, mécontenté les laissés-pour- compte et les commerçants traditionnels des bazars.
Les auteurs mettent l'accent sur la collusion entre les religieux, la pègre, les communistes et certains membres de la Savak, anciens de l'extrême gauche, pour renverser le Shah avec l'aide de la CIA. Face à cette agitation souterraine, l'entourage royal travaille à «ne pas inquiéter Sa Majesté». Nahavandi et Bomati évoquent les pressions du FMI, téléguidé par les USA, pour casser la croissance iranienne, puis les manœuvres américaines et anglaises pour pousser le Shah dehors. La BBC émettait en langue persane des attaques violentes contre le régime. Des « communicants » français ont retravaillé la biographie de Khomeiny pour en faire un « imam » descendant de Mahomet.
Le général américain Huyser, commandant en chef de l'Otan, a été chargé par le président Carter d'organiser le retour à Téhéran de l'ayatollah, que l'on prenait en France pour un « saint homme».
Sinistre conclusion de ce manège, au cours duquel les religieux font brûler des cinémas (417 morts à Abadan) et exposent des corps torturés (des accidentés de la route) pour incriminer le pouvoir, Pahlavi est contraint à l'exil et rejeté par tous ceux qui l'avaient accueilli avec les honneurs quand il était au faîte du pouvoir. Seul Sadate fera fi des pressions américaines et accueillera le proscrit, qui mourra d'un cancer de la lymphe en 1980. On est loin d'un conte des Mille et une nuits.
Alain Dag'Naud
624 pages, 27 €.
