Une biographie est toujours la rencontre d'un contexte avec une personnalité et elle étudie les interactions entre les deux. Dans quelle mesure le contexte a-t-il pesé sur les décisions prises par le responsable politique ? Dans quelle mesure ce responsable politique a-t-il pu agir pour transformer l'état dans lequel il a trouvé le pays lorsqu'il a pris ses fonctions ? C'est à ces questions que se sont appliqués à répondre les deux auteurs.
Comment Mohammad Réza Pahlavi a-t-il géré la situation socio-politique de l'Iran dont il a héritée en 1941? Cet héritage fut très lourd : un pays pratiquement occupé par deux puissances étrangères aux visées impérialistes, l'U.R.S.S. et le Royaume-Uni ; un pays doté d'un pouvoir d'Etat faible et économiquement sous- développé. Comment faire passer ce pays du stade de semi-féodalité à celui de grande puissance du XXe siècle ? Le dernier Shah a-t-il pu relever ce défi titanesque ?
La « Révolution blanche »
Il est hors de doute que le Shah a réussi à faire émerger son pays pour lequel il avait de très hautes ambitions. Justement, n'ont-elles pas été trop ambitieuses par rapport au temps qui lui était imparti ? Il a révolutionné la société iranienne en endossant simultanément les habits d'un Xerxès et d'un Fidel Castro, était-ce réaliste ? Par sa «Révolution blanche», dont les deux axes principaux étaient la réforme agraire et l'égalité des droits politiques entre les hommes et les femmes, il a heurté les structures idéologiques archaïsantes de l'islam. Cette « Révolution blanche» aurait dû porter aux nues le Shah. Il n'en a rien été, des fautes politiques ont été commises et c'est à l'honneur des auteurs de ne pas avoir caché les défauts du Shah. Ces défauts l'ont desservi et son entourage n'a pas été toujours à la hauteur de la situation. Un homme politique doit savoir juger les hommes afin de choisir le collaborateur qui sera le mieux adapté à la situation du moment. Or, le Shah, très imbu de son autorité et de son rôle historique, n'a pas toujours été juste avec ses Premiers ministres. Se pensant comme l'homme providentiel pour l'Iran, Mohammad Réza Pahlavi n'a pas voulu simplement régner mais aussi gouverner, or, de ce fait, il mit sa monarchie en danger car en prenant la responsabilité des choix politiques, il s'exposait au mécontentement, au lieu de rester le recours du régime et le garant de la stabilité, comme la Constitution le prévoyait. Dans la situation complexe et difficile de l'Iran de cette époque, avec une monarchie encore jeune, cela aurait nécessité d'avoir des compétences exceptionnelles que peu de personnalités politiques peuvent se targuer de posséder. Il est à remarquer que toutes les monarchies qui ont survécu ont, sans exception, accepté de ne plus gouverner ; le Shah a fait le contraire et il a creusé la tombe de sa monarchie.